
Le président du conseil national de l’UDI et ancien ministre de la Défense Hervé Morin regrette que la baisse des effectifs des armées se fasse sans vision stratégique. Pour lui, les recettes attendues de la vente des fréquences hertziennes ou des cessions immobilières s’apparentent à de la “monnaie de singe”.
La nouvelle stratégie de défense, issue du livre blanc remis aujourd’hui au président de la République, devrait composer avec un budget de 179 milliards d’euros entre 2014 et 2019. Cela vous semble-t-il réaliste ?
La construction du format des armées issu du livre blanc de 2008 correspond à un schéma stratégique qui n’a pas changé et qui nécessitait une augmentation des crédits à partir de 2014. Or, du fait des contraintes budgétaires, il va manquer au bas mot 30 milliards d’euros pour couvrir les besoins. L’annonce du maintien des crédits par François Hollande est donc une fausse bonne nouvelle car elle va nécessairement conduire à une profonde réorganisation des armées.
Et donc à des suppressions de postes. Le chiffre de 34 000 proposé par le livre blanc vous paraît-il conciliable avec le maintien de la capacité opérationnelle de l’armée française ?
Peut-être, mais c’est difficile à dire. Si l’on veut éviter d’avoir des régiments sous-équipés, sans moral car n’ayant pas de moyens, il est essentiel de définir une stratégie d’ensemble cohérente et de ne pas se contenter d’une réduction des effectifs au fil de l’eau.
Après la suppression de 54 000 postes durant les cinq dernières années, le coup est rude pour les armées…
Oui, c’est un vrai choc auquel les armées doivent se préparer, après la réforme du schéma des armées qui a conduit à cette première vague de suppressions de postes. Si l’on y ajoute la coupe budgétaire et les réorganisations qui vont en découler, c’est la double lame du rasoir qui va frapper les militaires.
Le gouvernement compte tirer 4,5 milliards d’euros des ventes de fréquence hertziennes ou d’actifs immobiliers pour maintenir son budget. Est-ce plausible ?
C’est une piste qui avait déjà été creusée au temps où j’étais ministre de la Défense [de juin 2007 à novembre 2010, ndlr]. Malheureusement, la vente du patrimoine immobilier ou des fréquences hertziennes est trop aléatoire pour bâtir un budget. Ces recettes supposées s’apparentent un peu à de la monnaie de singe.
Que préconisez-vous ?
Il nous faut disposer d’une armée conventionnelle solide. L’opération de l’armée française au Mali n’aurait pu se faire sans l’appui de pays alliés. Nous devons donc nous engager vers la suppression de la composante aérienne du nucléaire, réduire le format de notre armée de l’air et de chasse. Tout ceci impose que François Hollande prenne des décisions courageuses, ce dont je doute malheureusement.
Quels programmes faut-il maintenir ou développer ?
Il faut absolument sauver le programme de l’A 400M, l’avion de transport de troupes, et les 10 000 emplois qui vont avec dans l’industrie de l’armement. En outre, il faut développer un programme de drones en lien avec les Britanniques. Nous devons également renouveler notre flotte d’hélicoptères.
Propos recueillis par Xavier Sidaner